Je suis le vent se déroule en mer. Les deux héros naviguent, s’amarrent à une petite crique, discutent. Les mots leur font quelquefois défaut pour décrire leurs angoisses, leurs joies, leur difficulté de vivre. La mer, elle, est toujours là. Le paysage, havre de silence, sonne comme un appel. Ils repartent. S’arrêtent encore. Alors que le vent se lève, ils partagent l’amitié d’un verre de schnaps, la saveur d’un repas pris en commun. Bien plus tard, alors que la pièce touche à sa fin, le bateau revient au port. Mais il n’y a plus qu’un seul homme à bord. Qu’est-il arrivé ? L’un des hommes est – à ce qu’il dit – « parti avec le vent ».
Après avoir monté Édouard Levé, Martin Crimp, Magnus Dahlström, et sa propre création autour des grands singes et des origines de l’humanité (Le baiser et la morsure), Guillaume Béguin s’empare de Je suis le vent, la dernière pièce de Jon Fosse – et sans doute sa plus belle. Avec l’ambition de provoquer chez le spectateur un ébranlement – sensible et sensé, des sens et du sens, la mise en scène se déploie à travers quatre espaces distincts. Celui d’une scénographie « architecturale », confrontant les acteurs à l’immensité du monde qui les entoure ; un espace sonore, entremêlant les voix à des sons électroniques, sourds, lancinants, « tectoniques » ; une chorégraphie des corps, évoquant un désir de fusion vers le ciel et les vagues ; enfin, un vaste espace mental imaginaire, généré par le texte de Jon Fosse, lequel se prolonge puissamment et subtilement en direction du public. C’est de la confrontation de ces quatre espaces que naît le spectacle, aventureux et sensible, auquel Guillaume Béguin invite. Une confrontation unique avec les plus grands mystères, la fascination et l’angoisse devant sa propre disparition – et celle de ceux que l’on a aimés.
|